« Marcher sur l’eau, éviter les péages, jamais souffrir, juste faire hennir les chevaux du plaisir… ». C’est de cette strophe issue de la chanson Osez Joséphine d’Alain Bashung, qu’Isabelle Boulay a extrait le titre de son nouvel album. Un album de reprises mais aussi de surprises, tant la rencontre entre l’artiste alsacien et l’interprète québécoise pouvait sembler improbable. Elle s’en explique ainsi : « Ça faisait des années que je tournais autour de son œuvre, je la trouvais tellement exigeante, d’un point de vue littéraire et musical. C’est comme si j’avais regardé ses chansons courir comme des chevaux sauvages et que je me disais avoir envie d’en monter au moins une. »
Les chevaux du plaisir, l’album Boulay chante Bashung est, plus qu’un galop osé, un attelage convaincant. Sans doute parce que l’interprète a abordé ces onze chansons avec respect et humilité, tout en les faisant siennes.
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Comme le confirme Jean Fauque qui a déjà écrit pour Isabelle, l’auteur de la plupart des titres de Bashung : « Lorsque Alain et moi nous sommes connus, en 1975, nous avons tout naturellement écrit des chansons que nous imaginions interprétées par des femmes plus que par lui. Ces maquettes ont toujours subsisté comme un écho en nous. Bien plus tard, surtout depuis l’album Osez Joséphine jusqu’à En amont, les femmes resteront les principales inspir-actrices des chansons d’Alain Bashung. Elles ont révélé la part d’hyper sensibilité féminine longtemps restée tapie dans son âme créatrice.
J’ai toujours rêvé d’un album de quelques-unes d’entre elles réinterprétées par une femme, tant elles semblent avoir été écrites pour elles. Par elles. Parlant d’elles. Et voici qu’aujourd’hui, cette envie prend vie, et de si belle manière, si touchante. Merci Isabelle pour ce bouquet d’immortelles. »
Osez, osez, Isabelle…
La genèse du projet remonte à quelques années, résultat d’un extraordinaire concours de circonstances, « presque métaphysiques » dit-elle. Un jeune chanteur, parrainé par Isabelle à l’occasion de l’émission de télévision La Voix (version québécoise de The Voice), à qui elle avait fait découvrir l’œuvre de Bashung, lui confie que la chanson La mariée des roseaux lui fait penser à elle. Puis, par hasard, Isabelle rencontre Doriand, l’auteur du titre en question, présent sur En Amont, l’album posthume d’Alain. « À partir de ce moment, sourit-t-elle, je n’ai cessé de voir des coquelicots partout : c’est la fleur qui illustre la pochette de cet album. Pour moi, c’était comme un signe… » C’est Claude Larivée, le producteur québécois, qui achèvera de la convaincre de tenter l’aventure en lui présentant le mythique musicien montréalais Gus van Go, qui réalisera l’album. Reste à choisir les chansons. Outre les inévitables Osez Joséphine, La nuit je mens et même Madame rêve, musicalement Isabelle a un penchant pour des titres comme J’passe pour une caravane et Je t’ai manqué : « Pour moi, toutes les chansons d’Alain Bashung sont luxuriantes et cinématographiques, ce qui est un cadeau pour une interprète. J’ai bien sûr choisi celles que je me sentais légitime et capable d’interpréter. »
Autour de la chanteuse et du réalisateur Gus van Go, a été réuni un aréopage international de musiciens, français (le guitariste Eric Sauviat), québécois (le batteur Pierre Fortin) et américains (les multi-instrumentistes Chris Soper et Jesse Singer). Entrée en studio pour enregistrer trois chansons en une semaine, l’équipe réussira à parachever onze titres, extraits des albums Chatterton, Osez Joséphine, Fantaisie militaire, Bleu Pétrole et En Amont. Avec quelques inattendus, comme Ma petite entreprise, ou Les mots bleus, double hommage à Christophe et Alain Bashung, dont Isabelle n’a pas voulu féminiser les textes : « Quand je chante, répond-t-elle, je ne suis ni homme ni femme, mais tout à la fois. C’est la chanson qui l’emporte. Alain Bashung avait aussi une sorte de féminité qui me séduisait. Il aimait les femmes comme j’aime qu’un homme aime les femmes. »
Comme elle dit, à propos de l’album Les chevaux du plaisir : « Je suis entrée dans ces chansons sans aucune prétention. Ce disque est un cadeau pour moi, comme si je cueillais des fruits déjà mûrs. »
Elle a bien fait d’oser, Isabelle.